Olivier Bello
Modéliste d'arsenal


Quelques bases essentielles

Nous connaissons aujourd'hui particulièrement bien cette corvette car le Marquis de Courtanvaux en commanda la construction d'un modèle à l'échelle du 1/12ème, après son retour de voyage le 28 août 1767 dans le port du Havre, par les nommés Poi de Coeur, du Havre, et Mathieu Chopin, maître commandant de cette corvette sur ordre du roi depuis le 19 avril 1767.

En ce qui concerne le véritable navire, le Marquis fit appel à Nicolas Ozanne pour la mise en chantier du bâtiment qui fut armé en mai 1767, mais on ne peut être tout à fait certain qu'il participa à sa conception. Ozanne nous a d'ailleurs laissé dans l'un de ses ouvrages une gravure représentant le lancement de l'Aurore. Quand celui-ci fut réceptionné par son commanditaire, les éloges ne manqueront pas sur l'équilibre atteint entre le raffinement de ses formes et ses qualités nautiques.

Après avoir terminé son armement, le départ du Havre pour Calais, initialement prévu le 21 mai, ne peut avoir lieu que le 25 à cause d'un temps déplorable. Ce sont encore les mauvaises conditions climatiques qui retiennent encore l'Aurore à Calais jusqu'au 6 juin, avant de parvenir à Dunkerque, port dans lequel le navire attendra le 20 juin pour entamer son périple en se dirigeant vers Rotterdam.

Au cours de sa remontée vers le nord, le Marquis en profite pour recevoir des visiteurs venus admirer cette élégante corvette, mais aussi pour découvrir des villes comme Delft ou La Haye.

Partant de l'embouchure de la Meuse le 8 juillet, le bateau traverse la Zuyder-Zée pour rallier Amsterdam le 11 juillet. Quittant ce port le 22 de ce même mois, l'Aurore arrivera devant Calais le 5 août, pour enfin parvenir devant Le Havre le 27 août 1767, non sans avoir laissé au Marquis le temps d'effectuer quelques visites d'agrément supplémentaires.

A l'issue de ce voyage, il fut constaté que l'une des deux montres embarquées avait varié de moins de 5 minutes à l'aller et de 51 secondes au retour, alors que la seconde n'avait bougé que de 15 secondes et demi.

Après avoir été désarmée au Havre, l'Aurore fut vendue à la Marine Royale en 1769 pour la somme de 30 000 livres et prit alors le nom de « Petite Aurore » dont le port d'attache devint Brest. Elle fut rayée des listes de la Marine en 1775.

Le modèle, qui nous est parvenu grâce à sa donation par le Marquis aux moines de l'abbaye royale de Sainte Geneviève, implique une polémique sur le nombre des ouvertures telles que les a dessinées Ozanne à deux reprises : il y aurait selon lui deux sabords supplémentaires... S'agissait-il de décors en trompe-l'oeil ? Nul ne peut en être certain aujourd'hui.

De nombreux détails de l'Aurore font penser à une inspiration qui a ses origines dans la marine anglaise : les minots d'amure sont retenus par une tige métallique et non par des haubans, les portes haubans sont renforcés par des arcs-boutants, les cadres des panneaux des écoutilles ont une hauteur importante, les violons du beaupré sont de type anglais, l'artimon utilise une corne, les dispositions des hunes ne ressemblent pas à celles de la marine française, et le gréement emprunte de nombreuses caractéristiques à nos voisins d'Outre-Manche.