Olivier Bello
Modéliste d'arsenal


Quelques bases essentielles

En 1784, l'Aurore se situe dans un contexte particulièrement favorable pour les navires marchands à cause de la fin provisoire d'une longue période de conflits et de l'exploitation de plus en plus intense des colonies par le biais de cinq grandes compagnies dont la plus connue est certainement la Compagnie des Indes.

Construire, armer et mettre dehors un tel bâtiment représente une mise de fonds importante qui est le plus souvent assurée par le propriétaire associé à des négociants et des investisseurs.

Le capitaine engagé doit avoir une bonne expérience des côtes africaines et se doit aussi d'être un excellent homme d'affaires lors des négociations d'achat et de vente de sa marchandise humaine. D'autre part, avec son état-major, il a le droit d'emporter aux colonies toute une série d'articles dont il fera commerce sans frais : c'est la pacotille. Autre pacotille nettement plus sinistre, certains noirs sont directement traités par l'état-major qui en tire des bénéfices strictement personnels, pour environ moins de 5% de la quantité de personnes capturées.

Un chirurgien assisté d'un second chirurgien aux moindres responsabilités sera tenu pour responsable du bon état de santé des captifs avant et pendant la traversée vers les îles antillaises.

On différencie à bord l'alimentation de l'équipage, et celle plus sommaire des captifs qui est principalement constituée de biscuit, de riz et de fèves.

Les malheureux embarqués sur le navire sont des deux sexes, et leur âge varie le plus souvent de 16 à 30 ans, bien que l'on traite également des négrillons et des négrillonnes dont la valeur sera toutefois moindre que celle des adultes : ils n'ont parfois que cinq ans...

Les hommes, qui représentent les deux tiers de la cargaison, sont nus, alors que les femmes portent un cache-sexe. Pour gagner de la place, les captifs dorment tête-bêche, comme on peut le remarquer sur de nombreuses gravures d'époque.

La discipline est particulièrement rude, pour éviter tout risque de révolte. A ce sujet, le gaillard d'arrière est protégé par une forte rambarde en bois munie de pointes métalliques aiguisées pour assurer son indépendance à l'équipage en cas de mouvement imprévu des captifs.

Ceux-ci séjournent dans l'entrepont et sont séparés en deux groupes, soit dans le parc des hommes vers l'avant, soit dans le parc des femmes à l'arrière. Dans ces parcs, on installe des échafauds sur lesquels dorment le plus souvent les jeunes, soit disant pour les protéger des risques de violences et de sodomisation que les plus âgés peuvent leur infliger : on ne peut s'empêcher de remarquer que cela permet aussi d'embarquer un plus grand nombre d'individus !

Les maladies ne sont pas rares, principalement digestives, mais la petite vérole et la fièvre typhoïde peuvent se manifester pendant le voyage, sans parler des suicides de captifs désespérés. Dans les colonies, la fièvre jaune sévit tout particulièrement pour les esclaves que l'ont fait travailler inlassablement et qui représentent plus de 80% de la population locale.

Lorsque l'Aurore a terminé ce voyage triangulaire, le bénéfice, tiré de cet investissement de deux années dans le meilleur des cas, représente environ 70% de la mise de fonds.