Olivier Bello
Modéliste d'arsenal


Quelques bases essentielles

Ce type de bâtiment est certainement celui qui représente le mieux l'aboutissement des études des constructeurs navals de la fin du XVIIIème siècle qui n'ont alors jamais atteint un tel niveau dans la conception de la marine à voile.

C'est le règlement du 4 août 1762 qui a donné pour tous les navires de la marine royale la taille des sabords et surtout l'espacement qu'il convient de respecter entre chacun d'eux ; c'est à partir de celui-ci que l'on peut alors déduire les principales caractéristiques du vaisseau : longueur, largeur, creux (hauteur de la cale dans la plus grande largeur), hauteur de batterie, besoins en armement, importance du lest. Il est désormais possible de définir le maître-couple pour pouvoir en tirer les oeuvres vives du navire grâce à la forme des 62 autres couples, de l'étrave et de l'arcasse délimitée par les deux estains. C'est ainsi que ce vaisseau aura finalement un déplacement de 3000 tonneaux quand il sera armé en guerre pour une campagne durant de 6 à 7 mois. En calculant ensuite les centres de gravité de la carène et du vaisseau entièrement armé, on peut obtenir le métacentre pour savoir quelle sera la stabilité du bâtiment ; d'autre part, lorsque l'on étudie sa voilure, on définit son point dit de perfection, ou point vélique, par lequel doit passer la direction de l'effet du vent sur l'ensemble des voiles pour assurer au navire les qualités requises en vue d'obtenir un bon comportement à la mer : équilibre, maniabilité, vitesse, bien marcher au plus près, faible dérive et efficacité de l'artillerie qui doit toujours être bien en appui ; l'ensemble de ces qualités a toujours pour but de rechercher une efficacité la plus grande possible en cas de conflit.

Par rapport aux énormes vaisseaux trois-ponts de 110, 94 ou 90 canons, ou aux deux-ponts de 80 canons, il représente le meilleur mariage possible entre la puissance et les possibilités de navigation, alors que les vaisseaux de 64 ou de 50 canons pèchent trop par leur faiblesse.

En 1780, l'état de la marine royale française est le suivant : 5 vaisseaux de 110 canons, 1 de 90, 7 de 80, 1 de 70, 23 de 64, 1 de 60, 1 de 56, 3 de 50, sans parler des nombreuses frégates, corvettes, cotres, lougres et autres bâtiments modestes, alors que le nombre des vaisseaux de 74 canons est de 36.

Cette flotte impressionnante, capable de rivaliser avec celle de l'Angleterre, est construite le plus souvent dans les trois plus grands ports arsenaux sur les six régions maritimes que compte le royaume : Brest, Rochefort et Toulon. Les mises en chantier sont beaucoup plus rares à Dunkerque, Le Havre ou Bordeaux, voire même à St Malo, Lorient, Nantes ou Toulon. Pour ne prendre comme exemple que l'arsenal de Rochefort, on y a mis en chantier 40 bâtiments de guerre entre 1742 et 1800, dont 29 vaisseaux de 74 canons !

La construction totale de ce type de navire représentait presque 100 000 journées de travail de 11 heures en moyenne et s'étalait généralement sur une période allant de une à deux années. Selon J. Boudriot, le coût de ce vaisseau comprenant la construction, l'armement, une campagne et le désarmement s'élève à près de un million de livres de l'époque, ce qui représente à peu près la subsistance annuelle de 4 000 familles.