Olivier Bello
Modéliste d'arsenal


Le Requin dans son contexte historique

L'histoire du Requin nous est bien connue par les différents textes de l'époque qui font apparaître une longue période de 27 mois entre son lancement et sa première mission. Cette durée surprenante est due à deux facteurs essentiels. Tout d'abord, les premiers résineux utilisés pour les mâts (arbres dans le langage d'un Chébec) et les antennes se sont révélés défectueux lors de ses premiers essais de sortie en mer : l'arbre de mestre présentait des veines torses et des foyers de pourriture, alors que le mât de trinquet était fendu du pied jusqu'à l'étambrai, et force a été de constater la rupture de l'antenne de trinquet ; on a donc décidé de faire venir des bois du Nord de meilleure qualité. D'autre part, les entrepreneurs qui fabriquaient les toiles pour les voiles refusaient de les mettre en oeuvre à cause du triplement du prix de la cotonine dû à la crise internationale.

Après avoir subi tous ces déboires, le premier commandant du Requin, Monsieur le Chevalier de Fabry, constate avec plaisir que les capacités de vélocité du vaisseau sont remarquables. L'équipage du Requin comprend de 212 à 223 hommes en temps de paix, alors qu'en période de guerre, il peut atteindre 228 personnes : 8 officiers majors, 36 officiers mariniers et non mariniers, 109 matelots, 50 soldats, 25 mousses, 7 domestiques et un garde de pavillon : quelle promiscuité !

De 1754 à 1759, le Requin fait partie des Chébecs qui assurent des missions de police, de courrier et de garde-côte le long du littoral provençal. Sous les ordres d'armateurs privés, il affronte en 1761 un senault anglais et parvient en 1762 à faire les prises de deux vaisseaux et d'un brigantin. A la suite de ce vaillant comportement, il est de retour dans la marine royale sous les ordres du lieutenant Du Bourguet et entame une campagne de sept mois dans les mers du levant : l'officier en profite pour manifester sa satisfaction de n'avoir eu ni malade ni perte d'homme, et pour dénoncer la mauvaise qualité des cartes dans son rapport à Monsieur Le Duc de Choiseul. C'est également à cette époque que le navire perd une grande partie de ses qualités de vélocité, car on l'équipe alors d'un gréement carré.

Au retour de sa campagne, le Requin achève sa quarantaine et son désarmement commence le 12 novembre 1762, à la suite de quoi il sera réarmé à deux reprises, du 13 juillet au 17 août 1763 et une dernière fois en 1764.

En 1770, le Requin est définitivement rayé des listes officielles.