Olivier Bello
Modéliste d'arsenal


Le navire dans son contexte historique

Bâtiment civil d'agrément, l'Aurore fut construite sur les ordres du Marquis de Courtanvaux en 1766 dans un but scientifique inspiré par l'Académie des Sciences : obtenir des horloges de marine suffisamment précises pour parvenir à un calcul de la longitude qui puisse être considéré comme fiable. En 1707, une flotte britannique commandée par Sir Showell perdit 5 navires sur 20 et plusieurs centaines d'hommes lors d'un naufrage près des îles Scilly, à cause d'une erreur de navigation due à la brume. Désormais, les scientifiques de ce pays ne cessent de rechercher une solution pour ce problème : W. Whiston suggéra même de mettre en place des navires à certains points précis des différentes routes maritimes, pour qu'ils tirent des coups de canon régulièrement afin que tout navire soit capable de connaître sa position !

En 1714, le Parlement britannique crée le Bureau des longitudes et offre une récompense de 20 000 livres à celui qui résoudra le problème. On se sert encore à l'époque de l'observation de la position d'un astre avec deux miroirs, l'un fixe sur l'horizon et l'autre mobile pour renvoyer l'image de l'astre concerné. Parallèlement à ces travaux, on tente de publier une table des mouvements de la lune. Les principaux artisans de ces travaux étaient l'astronome anglais Halley, les français Lemonnier et l'abbé de La Caille, l'américain Godfrey et le suisse Euler.

Dans les années 1760, le calcul de la longitude avec l'utilisation des distances lunaires est relativement précis, mais ne permet pas encore de satisfaire l'une des exigences du Bureau des longitudes : parvenir à un écart maximum de 3 secondes par jour, correspondant à une différence de 0,5 degré pour un voyage aller-retour en Amérique.

C'est dans ce contexte que de nombreux essais sont faits pour améliorer des horloges avec ressort et échappement : l'anglais J. Harrison parvient à une précision de 54 secondes pour un périple de 156 jours à la Barbade. De leur côté, les français P. Leroy et F. Berthoud présentent leur modèle en 1766 pour le premier et en 1768 pour le second, qui fut ensuite nommé Horloger mécanicien du Roi et de la Marine, en obtenant la fourniture exclusive des horloges de marine pour les vaisseaux français.

L'Académie Royale des Sciences retarde le prix à 1769 mais en double le montant. C'est en essayant de trouver un navire pour accueillir les savants français que le Marquis de Courtanvaux, lui-même membre de cette respectable institution depuis 1764, offre de couvrir financièrement ce voyage qui devra tester les chronomètres de marine de P. Leroy. Il envisage ainsi de faire construire un petit bâtiment qui ne soit pas trop lent et qui puisse souvent relâcher pour contrôler la précision des appareils scientifiques embarqués : la destination sera celle du nord, pour se diriger vers Amsterdam, via la Zuyder-Zée.